Aujourd’hui, je vous emmène en voyage dans le temps.
On part aussi à l’autre bout du monde : C’EST PARTI !
« Marty, je crois bien que nous avons réussi ! »
« On a voyagé dans le temps ! C’est une première ! Par contre, il semble que le multiplexeur ait foiré. Apparemment, nous sommes bloqués en 1869, en pleine ère Victorienne. »
« Je ne comprends pas, en plus on a l’air d’être arrivés en Tasmanie, cette énorme île au large de l’Australie ! »
1869 : C’était l’époque des voyages à cheval. Des femmes en longues robes et c’est aussi l’année de naissance de F.M. Alexander.
À cette époque : pas d’ordinateurs, d’internet, de Gif animés, de memes et encore moins de Facebook.
Pour vous faire une idée : voici une photo de ce à quoi devait ressembler le terrain de jeu de la jeunesse d’Alexander.
Mais, bon sang, qu’est-ce qu’ils faisaient de leur temps libre à la fin du 19e siècle ?
F.M. Alexander un jeune comédien plein d’ambition
Ce qui est sûr c’est que F.M. Alexander passait tout son temps libre à dévorer dès les pièces de Shakespeare et ce dès son plus jeune âge.
Son dada : réciter les poésies, et pièces en interprétant les différents personnages… et il avait son petit succès au sein de sa communauté.
Ça l’a convaincu qu’il pourrait en faire sa profession. Il partira alors pour Melbourne, Sydney puis la Nouvelle Zélande pour y trouver un emploi conventionnel qui lui laissait assez de temps libre pour faire ses armes professionnelles dans le milieu du théâtre.
Une carrière prometteuse mise à mal
Très tôt dans sa carrière de comédien F.M. Alexander est freiné par des enrouements de la voix.
Les médecins ne lui trouvaient pas de problèmes médicaux à proprement parler : pas d’infection ou de maladie grave.
Les traitements prescrits n’amélioraient pas les choses. Jusqu’au jour où il a hésité à accepter un contrat par peur de ne pas réussir à réaliser son engagement.
Comme cette opportunité était vraiment importante à ses yeux. En plus de son traitement, son médecin lui a conseillé de ne pas utiliser sa voix 2 semaines avant sa prestation.
Conseil qu’il a bien-sûr appliqué à la lettre mais alors qu’il n’était qu’à la moitié de sa représentation il a senti sa voix faiblir.
Heureusement, il a pu terminer son récital mais à la fin du spectacle il s’est presque retrouvé aphone.
Retour chez le médecin
Alexander lui dit alors qu’il a senti un moment clé où il a l’impression d’avoir fait quelque chose qui a déclenché la spirale de son enrouement.
Il demande alors à son médecin si ce qu’il a fait pourrait être la cause de son enrouement.
« Bien-sûr » lui répond le médecin.
« Ok, mais pouvez vous me dire ce que j’ai fait qui a causé mon enrouement ? »
Heureusement, le médecin était honnête et lui a répondu qu’il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il avait pu faire pour provoquer son problème.
« Si c’est comme ça, je vais trouver par moi-même. » lui a répondu Alexander.
Le début d'une recherche passionnante
Alexander décide alors de se placer devant des miroirs.
Mais par où commencer ?
Il compare sa voix parlée et sa voix récitée pour voir s’il y a une différence entre les deux.
Il découvre que lorsqu’il récite des textes, il a tendance à :
- avancer le cou vers l’avant
- tirer la tête en arrière par rapport au cou
- tirer le larynx vers le haut
- aspirer l’air en faisant un petit bruit (comme un halètement)
Il remarque qu’il a la même tendance lorsqu’il parle normalement. C’était juste tellement minime qu’il ne l’a pas vu dès le départ.
C’est à partir de cette piste qu’Alexander va se mettre à travailler.
Il est rapidement conscient que la seule tendance sur laquelle il peut vraiment agir est celle de tenter d’empêcher sa tête d’aller vers l’arrière.
Découverte du contrôle primaire
Commencent alors de longs mois d’observation et d’expérimentation.
Alexander en conclut qu’un certain équilibre dans la relation entre la tête, le cou, le dos et le reste du corps est primordial s’il veut améliorer son problème de voix.
Sans le savoir, il vient déjà de découvrir ce qu’il appellera par la suite le contrôle primaire (ou contrôle primordial selon les traductions).
Il remarque que lorsqu’il arrive à cet équilibre, d’autres parties de son corps se mettent à reprendre leur place naturelle.
Il en conclut que toutes les parties du corps sont reliées entre elles et ne peuvent être considérées séparément.
En d’autres mots, s’il voulait régler un problème de voix à la base, Alexander se rend vite compte qu’il s’est attaqué à un chantier bien plus vaste dont l’enrouement vocal n’était que la face cachée de l’iceberg.
Il pense alors qu’il a compris et maîtrisé son habitude et continue à travailler sur le reste de son corps en partant de l’axe tête/cou.
Les directions de F.M. Alexander
Alexander s’envoie alors des directions, sortes d’injonctions mentales, qui permettent à son corps de retrouver l’équilibre.
Les principales directions d’Alexander peuvent se résumer comme suit :
- Mon cou est libre
- Ma tête va vers l’avant et vers le haut
- Mon dos long et large
- Mes genoux peuvent aller vers l’avant tout en s’écartant
- Bientôt, son enrouement apaisé, il abandonnera l’usage des miroirs.
Ce n’est que lorsqu’il réessayera de réciter qu’il se rendra compte qu’il n’arrive pas à garder son corps dans l’état d’équilibre qu’il souhaite.
Malgré son impression de garder la tête vers l’avant et vers le haut, son ancienne habitude de tirer la tête en arrière revient constamment.
Il vérifie et confirme, miroirs à l’appui, que son usage habituel est toujours plus fort que le nouvel usage qu’il souhaiterait développer.
Consternation ! Ses sensations lui renseignent le contraire de ce qui arrive.
Il fait donc l’inverse de ce qu’il pense faire
La découverte de l’appréciation sensorielle faussée
Alexander appellera ce principe : « l’appréciation sensorielle faussée ».
Pourtant, Alexander est convaincu d’avoir trouvé une bonne solution à son problème original.
Son enrouement a bel et bien diminué mais lorsqu’il s’agit de la mettre en pratique (réciter), il se heurte dans la plus grande majorité des cas à ses anciennes habitudes.
Il se trouve donc dans une sérieuse impasse, mais cette situation va lui permettre de révéler, confirmer et approfondir plusieurs de ses de théories.
Premièrement, Alexander se rend compte qu’il ne peut pas se fier à ses sensations puisqu’elles sont guidées par son usage habituel qui est nécessairement faussé par ses mauvaises habitudes.
Tout ce qui apparaîtra comme étant juste sera donc biaisé par son usage habituel.
Il en résulte donc que ce sont les situations qu’il sent comme fausses, dérangeantes ou inhabituelles sur lesquelles il devra compter pour avancer.
Alexander ne se fie plus qu’à l’objectivité des miroirs
À partir de cet instant Alexander décide de réutiliser ses miroirs et de ne plus les enlever tant qu’il n’est pas sûr d’avoir complètement changé sa mauvause habitude.
Deuxièmement, Alexander était déjà convaincu, par expérience personnelle, que tous les muscles du corps interagissaient entre eux.
Si un changement survenait quelque part, une réorganisation globale du reste du corps devait avoir lieu mais il fût surpris du lien très étroit entre le corps et l’esprit, arrivant à la conclusion que l’être humain devait fonctionner de façon unifiée.
Pour Alexander, tout mouvement entraîne une action tant physique que mentale. Inversement, toute pensée se reflète en tension musculaire, qu’elle soit positive ou non pour l’organisme.
Alexander a réussi à améliorer son taux de réussite lors de ses séances de récitation mais il continuait encore trop souvent à retomber dans ses anciennes habitudes pour considérer qu’il en avait fini avec son problème.
Il se rend alors compte de l’énorme influence que les directions pouvaient avoir au moment de changer son habitude.
Un plan pour changer durablement d’habitude
Ce n’est que lorsque, dans un moment de découragement total, il abandonna complètement l’idée d’arriver à ses fins (donc de réciter).
Il s’est alors concentré à 100% sur les moyens par lesquels il souhaitait y parvenir au lieu de vouloir le résultat à tout prix.
Afin d’empêcher son ancienne habitude de revenir, Alexander met au point une stratégie qui consiste à identifier le moment entre la pensée et l’action.
À cet instant précis, lorsqu’il décide de réciter, il se laisse le temps de choisir :
- soit de réciter tout essayant de continuer à s’envoyer les directions (ce qu’il a toujours essayé de faire jusque là)
- soit de faire autre chose (par exemple lever un bras) tout en continuant à envoyer les directions
- soit de ne rien faire du tout et de continuer à s’envoyer les directions.
Toute son attention pouvait alors être portée sur le moment décisif entre la pensée et l’action. Il a transformé ce moment en une mini pause consciente pour remplacer l’ancien choix par le nouveau.
Il parvint graduellement à inhiber le stimulus de son ancienne habitude et à le remplacer par les directions conscientes qu’il s’envoyait mentalement.
C’est ainsi qu’il découvrit ce qu’il appellera plus tard l’inhibition consciente.
En travaillant selon ce plan, il réussit à éradiquer son ancienne habitude et à modifier durablement son usage, même dans l’acte de réciter qui lui était si cher.
De retour sur scène, Alexander était tellement transformé que ses collègues acteurs et certains spectateurs lui ont demandé de leur enseigner ce qu’il avait fait pour acquérir une telle présence.
Il s’est alors mis à enseigner ce que l’on appelle maintenant la Technique Alexander.
Rapidement, des médecins se sont rendus compte que sa technique dépassait largement le cadre artistique. Ils lui ont envoyé des élèves de tous horizons.
Il a continué sa carrière à Londres et New York jusqu’à sa mort en 1955.
Pour terminer, j’ai choisi une citation d’Alexander qui illustre la capacité de chacun à être les moteurs de leur propre évolution.
« Le changement implique d’exercer une activité à l’encontre de l’habitude d’une vie. » — F.M. Alexander
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Comment la Technique Alexander est-elle née ?